«Beaucoup d’espèces animales et végétales seront noyées»

Professeur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Blaise Kadjo est le Directeur de la «zone de préservation de la Biodiversité» aménagée, à Soubré, pour donner une seconde chance de survie aux éléments de l’écosystème naturel affectés par la construction du plus important barrage hydroélectrique du pays. Dans cet entretien, le Spécialiste en Faune sauvage rappelle les conséquences du projet sur l’environnement et sensibilise à la préservation de l’écosystème…

Qu’est-ce qui a motivé la création de cette «zone de préservation de la Biodiversité» ?

Après les études d’impact environnemental qui ont été réalisées, un Plan de gestion environnemental et social a été mis sur pied. L’une des recommandations de ce plan était la création d’une «zone de préservation de la biodiversité», qui serait une zone de conservation.

Quelles sont les différentes espèces qu’on retrouve dans cette zone ?

La zone de biodiversité, c’est un massif d’à peu près 200ha qui a été mis à la disposition de CI Energies par les populations riveraines et villageoises, parce qu’on leur a expliqué le bien fondé de la préservation de la biodiversité. Cette zone est un sanctuaire pour conserver la biodiversité (la faune, la flore, etc.). C’est une zone refuge car, lorsqu’on va mettre le barrage en activité, beaucoup de ces écosystèmes vont être inondés et ces espèces animales et végétales seront noyées.

Y a-t-il un système de sécurité pour cette zone ?

La première sécurité, consiste d’abord à sensibiliser les populations afin qu’elles ne viennent pas tuer ou agresser les animaux. Nous avons formé des jeunes à cet effet ; afin qu’ils soient nos relais sur le terrain. Nous avons beaucoup d’étudiants qui viennent faire des études sur l’évolution et le mode de ces habitats avec la mise en eau du barrage. On a également d’autres entités étatiques comme le ministère des Eaux et Forêts qui, dans leur mission régalienne, se doivent de protéger ce patrimoine et de traquer ceux qui ne respecteront pas les dispositions sécuritaires mises en place. Tout le monde est très impliqué dans ce travail.

‘’Un sanctuaire pour conserver la biodiversité’’

Comment se fait le transfert des espèces ici ?

Pour l’heure, nous n’avons pas eu de transfert d’espèces. Parce que, malheureusement, dans tous ces écosystèmes autour, les populations ont dégradé tous les habitats naturels. Il n’y a pratiquement pas de grands mammifères ; à part quelques holacaudes (Ndlr, Agouti) qui sont là. L’idée c’est d’empêcher que les populations viennent chasser.

Combien d’espèces gardez-vous ici ?

C’est difficile à dire. Nous avons des animaux inférieurs, des reptiles, des mammifères, beaucoup d’animaux dans l’ensemble. Nous avons des fuites, des migrations d’oiseaux. Pour cela, des dispositions ont été prises pour avoir une liste exhaustive des espèces animales.

Entretenir un tel site nécessite de l’argent. A combien s’élève le budget et qui le finance ?

C’est le Bnetd (Ndlr, Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement) qui est chargé de la mise en œuvre de cette zone de biodiversité. C’est au Bnetd que CI Energies en a confié la gestion. Nous sommes des experts associés au Bnetd. Notre rôle c’est de mener des études en tant qu’universitaires. Mais c’est le Bnetd qui s’occupe des aspects financiers du projet. Il y aura une zone de repos, la construction de cages écologiques notamment pour les questions d’éducation environnementale. Des enfants seront éduqués, dès le bas âge, aux questions de préservation de la biodiversité. Sur quatre ans, c’est une zone qui sera bâtie avec des infrastructures, des herbiers afin que des enfants viennent apprendre et qu’ils s’intègrent à la nature. C’est une zone acquise. CI Energies et les populations riveraines se sont entendus là-dessus. A la longue, ça sera une zone touristique car, c’est tout un continuum, on a un écosystème diversifié, des terres fermes, des zones marécageuses, des surfaces d’eau, etc.

On peut estimer à combien le nombre d’animaux ou d’espèces animales qui seront touchées par la réalisation de ce barrage ?

On a mené des études préliminaires pour estimer les pertes sur la biodiversité dans tous ses compartiments. Je n’ai pas les chiffres en tête mais nous avons d’importantes ressources fauniques et forestières qui vont disparaître. On a aussi fait des modélisations pour voir si cette faune va être gravement atteinte. Il a été démontré que tous les mammifères, lorsqu’ils se sentent en danger, ont la possibilité de nager pour se refugier dans des zones plus propices où ils peuvent survivre. Pour le moment, nous ne craignons pas de graves dégâts sur la faune et les animaux s’adaptent à leur environnement. C’est un travail de longue haleine. Depuis 2013, on a discuté avec les populations pour leur expliquer le bien fondé de la préservation de cet écosystème. C’est une expérience unique en Côte d’Ivoire.

Réalisé par Ben Ayoub

Légende : Pr Blaise Kadjo appelle les habitants des villages environnants (Gnamadji, Kopéragui et Kpéhiri) à s’impliquer dans la préservation de la Biodiversité. PH : DR

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